Exposition Fenêtres sur Cours. 2025. Lille. Galerie Pauline Renard.

Exposition collective visible à partir de Oct./Nov. 2025. Galerie Pauline Renard. Lille.
« « Il y a quelque chose de profondément humain dans le fait de regarder, sans être vu. »
Alfred Hitchcock, Rear Window (Fenêtre sur cour), 1954.
Ouvrir un lieu, c’est d’abord ouvrir un seuil. Non pas simplement une porte ou une vitrine,
mais un espace mental, un temps suspendu. Fenêtres sur cours, exposition inaugurale
de la Galerie Pauline Renard, se place précisément là : à l’instant où le regard bascule, où
le visible commence à faire signe, où l’on ne voit pas encore tout, mais déjà quelque
chose s’entrevoit.
Hitchcock, dans Rear Window, installait le spectateur au cœur de cette tension : regarder
sans être vu, deviner plus que savoir, projeter plus que constater. Le regard ne saisit
jamais d’emblée. Il tâtonne, hésite, s’égare parfois. L’œuvre, comme la fenêtre, ne livre
rien d’immédiat. Elle propose un écart. Et c’est dans cet écart entre l’image et sa lecture,
entre l’intention et sa réception que naît une expérience artistique.
La galerie elle-même en incarne la métaphore. Deux fenêtres, réelles, s’ouvrent sur une
cour intérieure. Mais ce n’est pas le dehors qui est donné à voir, c’est le dedans. L’espace
d’exposition devient un seuil inversé, une chambre obscure où l’on regarde à travers les
regards. L’œuvre ne se donne pas comme une image plane, mais comme une
stratification de plans, un feuilleté de gestes, de matières. Comme le disait Georges
Didi-Huberman, « voir, c’est toujours voir à travers. »
Les artistes rassemblés ici ne livrent pas de représentations, mais des visions. Ils ne
décrivent pas le monde : ils y plongent, et nous y entraînent. Il ne s’agit plus d’illustrer,
mais de rendre sensible une forme d’intensité, de décalage, d’irruption. L’œuvre est une
fenêtre mentale : un passage entre ce que l’artiste a perçu, et ce que le spectateur
commence seulement à entrevoir.
Il y a, dans chaque pièce, une tension entre figuration et suggestion. Comme l’écrivait
John Berger dans Ways of Seeing, « ce que nous voyons est toujours affecté par ce que
nous savons ou croyons savoir. » Le regard est donc toujours en retard sur lui-même. Il
n’est jamais pur, jamais seul. Il est toujours orienté ou hanté par nos expériences
personnelles.
L’exposition se déploie alors comme une traversée : on y circule comme dans une cour
d’immeuble à la tombée du jour, quand les lumières s’allument derrière les vitres, laissant
entrevoir des fragments de récits, des souffles d’intimité, des gestes suspendus. On ne
sait jamais très bien ce que l’on regarde : une image ? une mémoire ? un désir ? Et cela
fait toute la force du regard : son inachèvement.
Ce premier accrochage affirme une position : l’art n’est pas simplement une chose à
posséder, mais un passage à éprouver. Ce que la Galerie Pauline Renard propose, ce
n’est pas un simple accrochage inaugural, mais l’ouverture d’un seuil entre soi et l’autre,
entre réalité et fiction, entre ce que l’on croit voir et ce que l’on commence à entrevoir.
Car l’art véritable ne donne pas à voir. Il donne à regarder. Longtemps. Lentement. »


